Salon du livre : trois livres, sinon rien ?

Ah, les salons du livre… ces merveilleux moments où auteurs et lecteurs se rejoignent, échangent, rient, et où parfois, soyons optimistes, on vend même quelques bouquins. En théorie, l’organisateur est ravi d’accueillir des écrivains : il veut leur donner de la visibilité, les aider à rencontrer leur public et espère qu’ils reviendront l’année suivante, sourire aux lèvres et coffre plein de nouveaux titres.

Dans certains cas, pourtant, l’organisation semble tester un concept… à mi-chemin entre le minimalisme et le casse-tête. Vous recevez le mail tant attendu: « Bonjour, nous confirmons votre participation (joie !)… Vous aurez une table de 50 cm et pourrez proposer trois livres maximum (pas joie !) »

Je peux m’accommoder d’un petit territoire, bien sûr (cf. la photo? ah non!) J’ai l’habitude de structurer, d’empiler, de jongler avec les présentoirs. Je comprends que certaines manifestations accueillent beaucoup d’auteurs et ne puissent pas offrir d’espace à chacun (même si l’on peut se demander si c’est un choix judicieux, mais c’est un autre débat).

En revanche, limiter le nombre de titres en plus d’une mini table, c’est tout simplement contradictoire avec l’objectif d’un salon du livre : donner à voir la diversité de la création.

Je m’interroge. Qu’est-ce que c’est que ce quota obligatoire ? Est-ce pour instaurer une égalité parfaite entre l’auteur débutant et celui qui a des dizaines d’ouvrages à son actif ? Un souci d’esthétique minimaliste ? Une expérimentation de feng shui littéraire où trop de papier déséquilibrerait les énergies du gymnase communal ?

Mention spéciale aux organisateurs qui oublient de préciser cela jusqu’au moment crucial. On découvre la nouvelle une fois l’inscription payée, sans possibilité de revenir en arrière. Ce manque de transparence est irrespectueux : je ne parle pas d’un détail logistique, mais d’un élément essentiel pour travailler correctement. Cela ressemble presque à un sketch, si ce n’était pas à nos frais.

Soyons clairs : la convention des artistes-auteurs prévoit que les écrivains devraient être rémunérés pour ce genre de manifestations¹. En effet, en tant qu’intervenant professionnel, toute participation à un salon, une dédicace ou une rencontre publique relève d’un travail à rémunérer, non d’une activité bénévole.

En pratique, cela n’arrive quasiment jamais. Au contraire, la plupart du temps, l’auteur paie un emplacement, prend la route, réserve un hébergement, investit dans des supports. Bref, chacun joue le jeu, parce qu’on aime ces rencontres et qu’on sait que les organisateurs dépensent, eux aussi, beaucoup d’énergie et de moyens pour que tout se passe bien.

Restons tout de même pragmatiques : pour rentrer dans ses frais (je n’ai même pas dit pour un bénéfice), l’auteur doit vendre beaucoup. J’ai remarqué, avec l’expérience, que mes meilleures performances commerciales arrivent quand je peux présenter plusieurs volumes. Chaque lecteur trouve plus aisément le livre qui lui correspond : celui qui évoque ses souvenirs, son humeur du moment ou juste une jolie couverture qui attire son œil. Avec seulement trois ouvrages, c’est tout de suite plus compliqué, moins enthousiasmant.

Trois titres, c’est parfait quand on débute, et je comprends qu’un salon souhaite octroyer leur chance à tous. Toutefois, lorsque l’on a déjà plusieurs livres à son actif, la règle devient frustrante. On se donne du mal pour étoffer sa bibliographie, on travaille, on écrit, on explore de nouveaux genres, de nouvelles thématiques, bref, on enrichit son univers au fil des années. Se voir imposer un quota de trois ouvrages, c’est tout simplement nier cette progression. Cela n’a pas beaucoup de sens, ni pour l’auteur qui se restreint, ni pour le lecteur qui perd la richesse du choix.

Alors oui, merci à tous les organisateurs passionnés, bienveillants et respectueux, qui comprennent qu’un salon du livre, c’est avant tout une rencontre et un échange. Pour les autres, disons simplement que vous représentez une énigme.

Voilà, c’était ma petite réflexion d’écrivain qui aime les salons du livre mais s’interroge sur certaines pratiques. Peut-être ai-je tort, peut-être ai-je raison… En tout cas, j’aimerais vraiment connaître votre avis : auteurs, lecteurs, organisateurs, comment voyez-vous les choses ?

Les commentaires sont là pour ça !


¹ Voir la grille tarifaire 2024 du Centre national du livre (CNL) qui fixe les montants recommandés pour la rémunération des auteurs intervenant en manifestations littéraires.


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Cet article a 2 commentaires

  1. Lydie D

    Lydie Delanoue
    D’accord en tous points avec cette analyse de la situation. Gardons tout de même le moral : marchés de Noël à l’horizon…

  2. Michèle A

    Michèle Andrieux – Auteure
    En effet c’est très contrariant de devoir choisir quels ouvrages emporter, avec toujours cette question en tête : n’est-ce pas les romans écartés qui auraient séduit davantage de lecteurs? Fort heureusement la majorité des salons n’imposent pas de quotas!