Inspiration nostalgique

Est-ce que cela vous étonne si je vous révèle que la campagne corse est ma plus grande source d’inspiration?

À première vue, on pourrait croire que je suis une citadine, inconditionnelle des stilettos, des vitrines, du bourdonnement des bouchons sur l’amertume du bitume. Pourtant, mes racines sont d’une autre trempe. Elles portent l’empreinte crochue du châtaignier, le noueux argenté des oliviers. Elles sont imprégnées des rayons bouillants qui grillent les cimes et le moindre brin. Elles regorgent du sucre sauvage de la figue et de la mûre, trace pourpre sur les sensations inoubliables. Des éclats de roche verte et rousse construisent ma mémoire en murets infinis, où le vrombissement des insectes se mesure au cri du rapace en majesté.

Des parcelles de mon enfance sont restés accrochées aux griffes des ronces et des fougères, dans l’ombre bleue des ravines où murmurent des fantômes de ruisseaux. Tout cela ne transparaît pas forcément à l’état brut dans mes romans, mais c’est une nourriture d’âme qui alimente ma plume depuis un demi-siècle.

Il est une plage de mon village qui séduit les touristes et les autochtones par son allure de piscine géante digne d’une publicité pour voyages exotiques. Il faut la mériter, car on y accède seulement par une piste cabossée ou en bateau. Je suis, bien sûr, séduite par ses camaïeux de bleus, la finesse du sable ou l’ombre des pins qui viennent lécher la grève. Cependant, si je retourne systématiquement à cet endroit, c’est aussi par instinct, un peu comme les oiseaux migrateurs.

Lorsque j’étais enfant, j’y passais tout l’été en camping sauvage (c’est l’avantage d’être née au temps des dinosaures) où nos seuls voisins étaient les moustiques et les oiseaux. Mon père pêchait des anguilles dans l’étang tout proche, on mangeait dans des assiettes orange (vive les années beatnik) qu’on lavait dans la mer et on jouait avec les algues et les os de seiches. Le soir, au coin du feu de camp, on regardait l’écran du plus grand ciné en plain air: la voie lactée nous offrait des concours d’étoiles filantes. Pas de crème mais la pinède odorante pour se garantir des morsures du soleil, et cette eau éternelle aux caresses inoubliables. De quoi alimenter l’imaginaire d’une future romancière !

C’est à la fois troublant et rassurant de pouvoir retrouver son enfance chaque année. Et vous, avez-vous un lieu privilégié qui réactive vos souvenirs ?

Seulement trois de mes romans évoquent la Corse de façon explicite, mais la richesse des expériences qu’elle m’apporte transpirent dans tous mes écrits.

Dans « Souris des villes » (comme son nom ne l’indique pas) et dans « Comme un parfum d’immortelle » (indice dans le titre), de nombreux passages sont dédiés à la description de mon île, mais également dans « L’héritier des sables » puisque cette dystopie prend place dans une méditerranée du futur devenue désertique, où la Corse est une chaîne de montagnes (les monts Kallis, en référence au nom grec Kalliste, qui signifient: la plus belle, ce n’est pas moi qui l’ai inventé!).

Les avez-vous lus? Avez-vous ressenti mon trouble lorsque j’évoque mon pays natal? J’ai hâte de connaître votre point de vue.


Laisser un commentaire