Poing de départ, entre cheval et zèbre

Pour créer le personnage principal de Poing de départ, je me suis inspirée d’une personne étrange de mon entourage qu’on appelle à présent un zèbre. On aurait pu penser que j’allais encore parler de chevaux, puisque l’intrigue de ce roman se passe à la campagne, avec de nombreuses scènes dans un ranch éthologique…

…mais trêve de plaisanterie: le thème du zèbre est un sujet que je trouve très important et inspirant. Derrière ce terme rigolo se cache une réalité complexe : celle des individus à Haut Potentiel Intellectuel (HPI). Ces personnes au fonctionnement atypique attirent autant qu’elles suscitent des incompréhensions


Le terme zèbre pour les désigner a été « inventé » par la psychologue Jeanne Siaud-Facchin dans son ouvrage Trop intelligent pour être heureux ? L’adulte surdoué (2008). Ce mot vise à éviter des expressions parfois stigmatisantes comme « surdoué » ou « précoces ». Le choix du mot zèbre est métaphorique : cet animal, avec ses rayures uniques, incarne parfaitement l’idée de singularité.

Ce terme offre une vision bienveillante pour mieux comprendre leur différence. Cette réflexion est très récente, depuis quelques années, on s’intéresse réellement aux zèbres et à leur accompagnement spécifique. Avant cela, ils étaient souvent mis à l’écart, leur différence était occultée. C’est un peu le thème sous-jacent de mon roman: mettre en présence deux zèbres, avec vingt ans d’écart et proposer deux itinéraires tellement différents en fonction de l’évolution des mentalités.

Le HPI est défini de manière clinique par un quotient intellectuel mesuré grâce à des tests standardisés, comme le WAIS pour les adultes ou le WISC pour les enfants. Pourtant, cette approche quantitative ne suffit pas à décrire la richesse des individus concernés. Le concept de zèbre élargit cette perspective en intégrant des dimensions comme l’intelligence émotionnelle et créative, souvent ignorées par les outils traditionnels. Contrairement à une idée reçue (qui vient sûrement du fait qu’on a longtemps utilisé le terme « surdoué« ), être HPI ne garantit pas la réussite. Beaucoup de zèbres se heurtent à des défis importants, liés à leur difficulté à s’adapter à des environnements normatifs et à leur sentiment de décalage par rapport aux autres.


Les zèbres ne se définissent pas uniquement par un QI supérieur à 130. Leur spécificité réside dans un ensemble de traits cognitifs, émotionnels et comportementaux qui rendent leur fonctionnement unique. Leur pensée, souvent décrite comme en arborescence, se déploie dans toutes les directions à partir d’une idée centrale, créant un foisonnement intellectuel riche mais parfois difficile à canaliser. Ce fonctionnement s’accompagne d’une hypersensibilité émotionnelle, qui les rend particulièrement empathiques mais également vulnérables face à des situations émotionnellement intenses. Leur créativité est une autre facette essentielle, elle les pousse à explorer, imaginer et relier des concepts de manière originale. Cependant, cette richesse s’accompagne souvent d’un sentiment de décalage. Nombre d’entre eux se sentent différents, voire incompris, ce qui peut engendrer une grande solitude (Ce n’est pas pour rien que le pseudo de mon héros est Alex Solitar…)

Dans leur vie personnelle, les zèbres doivent souvent affronter un doute de soi chronique, connu sous le nom de syndrome de l’imposteur. Leur perfectionnisme, parfois exacerbé, les pousse à redouter l’échec et à se fixer des objectifs irréalistes. Dans leurs relations sociales, ils se heurtent à des incompréhensions, car leur intensité émotionnelle et intellectuelle est perçue comme excessive.

Ce décalage renforce leur sentiment d’isolement (dans le roman, je parle de carapace). Dans les milieux scolaire ou professionnel, l’ennui peut devenir un véritable obstacle, car ils peinent à s’épanouir dans des cadres trop rigides ou répétitifs. Leur besoin de trouver du sens dans leurs activités entre souvent en conflit avec les attentes normatives de ces environnements.


Pour reconnaître officiellement un « zèbre« , on passe par des tests de QI, mais aussi par une observation fine de ses comportements. Une curiosité insatiable, une hypersensibilité émotionnelle ou encore une créativité débordante peuvent être des indices révélateurs. Une fois cette singularité identifiée, il est essentiel de l’accompagner de manière adaptée. Un soutien psychologique, notamment auprès de spécialistes, peut aider les « zèbres » à apprivoiser leurs différences. Enfin, il est crucial de valoriser leur unicité en les aidant à transformer ce qui peut sembler être un handicap en une véritable force. S’entourer de personnes bienveillantes peut offrir un espace de compréhension et de soutien. L’émergence récente d’une attention spécifique à leur fonctionnement ouvre enfin la voie à une meilleure inclusion et à une reconnaissance de leur potentiel. C’est ce côté bienveillant que représente le personnage de Mandarine, dans le roman. N’oublions pas que je suis une éternelle optimiste et je rêve de réparer les erreurs de la vie dans la fiction.


Bien sûr, comme j’ai dit plus haut, j’ai été inspirée par une vraie personne pour ce roman, mais je me suis également documentée sur ce sujet. Chacune de mes lectures m’a replongée dans le passé avec plus ou moins de sentiments douloureux, à une époque où on considérait les HPI non « conformes » comme des cancres, des autistes, des inadaptés, sans proposer d’accompagnement.

Heureusement, de nos jours, les mentalités ont évolué ! Je vous propose, si le sujet vous intéresse en dehors de la fiction, une bibliographie non exhaustive sur laquelle je me suis appuyée.

Jeanne Siaud-Facchin, Trop intelligent pour être heureux ? L’adulte surdoué, Odile Jacob, 2008.
Jeanne Siaud-Facchin, L’enfant surdoué : L’aider à grandir, l’aider à réussir, Odile Jacob, 2002.
Cécile Bost, Différence et souffrance de l’adulte surdoué, Éditions Eyrolles, 2011.
Monique de Kermadec, L’adulte surdoué à la conquête du bonheur, Albin Michel, 2013.Monique de Kermadec, L’adulte surdoué, apprendre à faire simple quand on est compliqué, Albin Michel, 2011.
Arielle Adda, Adultes sensibles et doués : trouver sa place au travail et dans la société, Éditions Odile Jacob, 2020.
Laurence Lalande, Au descours, mon enfant est précoce!, Éditions Eyrolles, 2013.
Elaine Aron, Ces gens qui ont peur d’avoir peur : mieux comprendre l’hypersensibilité, Éditions de l’Homme, 2002.
Stéphanie AubertiCatherine Viès-Duffau, Je suis un zèbre, et alors?, Éditions DeBoeck, 2020.
Alexandra Reynaud, Les tribulations d’un petit zèbre : Épisodes de vie d’une famille à haut potentiel intellectuel, Éditions Eyrolles, 2016.
Alexandra Reynaud, L’enfant atypique : Hyperactif, haut potentiel, dys, Asperger… Vivre avec ses différences, Éditions Eyrolles, 2018.


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Cet article a 2 commentaires

  1. Co

    Encore une fois, un article extrêmement intéressant. On apprend toujours des choses à te lire.

  2. HG

    Malgré une évolution de la pensée, on est encore loin d’une situation parfaite quand on est « différent »