Pourquoi le feelgood sur la sellette

Petit quiz du jour : feelgood and thriller

Question 1 : quel est le point commun entre un roman feelgood et un thriller ? Réponse : ce n’est bien sûr ni le fond, ni la forme, c’est une question d’étiquette ! On utilise un terme anglais pour les classer.

Question 2 : pourquoi ces kyrielles de critiques sur l’emploi du terme feelgood, alors que personne ne songe à se récrier sur l’emploi du terme thriller ? Réponse : parce que les gens craignent plus de se prendre un coup de couteau sorti d’un thriller qu’un coup de chamallow sorti d’un feelgood.

Plaisanterie mise à part, je constate que les auteurs de romans feelgood se heurtent à cette critique sur les réseaux au nom d’un emploi exagéré de la langue de Shakespeare, de la part de personnes qui n’ont pas demandé à Molière son avis sur l’emploi de thriller, heroïc fantasy, dark romance, et j’en passe. Tout le monde sait que la langue vivante évolue, adopte des mots voisins, digère des néologismes, abrège des termes à rallonge, se régénère en permanence. Alors, pourquoi cette réaction épidermique face à un mot qui se rapporte au bien-être ?

Petit cours de langue : feelgood et bonne humeur

Ce genre de réaction m’arrive aussi en salon, lorsque les gens voient mon kakemono estampillé feelgood : « c’est du n’importe quoi ! », « vous ne pouvez pas utiliser le français ? », « et en français, ça donne quoi ? ». Il me suffit alors de leur désigner le même kakemono, sur lequel il est aussi écrit : « romans bonne humeur ». Ce qui prouve que ces personnes, soit ne savent lire que l’anglais, soit râlent pour la forme. Ne trouvez-vous pas que ces réactions agressives sont un comble à propos d’un genre qui est censé mettre de bonne humeur?

Lorsque j’ai le temps d’argumenter, je commence par dire que feelgood est une catégorie reconnue par les maisons d’édition à l’heure actuelle. D’ailleurs, mon roman « Pas de Chichis entre amies » était classé dans la collection « My Feelgood » de mon ancienne maison d’édition. Notez au passage le petit coup de vanité décoché discrètement et destiné à me poser en tant qu’auteur légitime, mais obligé de suivre la tendance dictée par qui de droit (arf arf).

Deuxième argument : en français, l’expression feelgood, dans son contexte de registre culturel, n’est pas littéralement traduisible. Si d’autres expressions sont possibles, elles ne sont ni harmonieuses ni pratiques pour un usage régulier. Il est plus facile de dire roman feelgood que « roman optimiste qui vous fera vous sentir bien et vous mettra de bonne humeur ». Tout comme (et j’en rajoute une couche), il est plus facile de dire thriller que « roman psychologique à suspense qui vous fera frissonner », ou fantasy à la place de « roman qui représente des phénomènes surnaturels imaginaires, souvent associés au mythe et figurés par l’intervention de la magie ».

Petit cours de patience

En général, à ce stade de mon argumentaire, les passants se sont soit enfuis, soit endormis. Les plus téméraires me rétorquent : « oui, mais, là, on a l’habitude de ces catégories ! »

J’ai donc ma réponse à la question liminale de cet article : ceux qui n’aiment pas le terme feelgood n’ont rien contre l’utilisation de l’anglais, mais sont plutôt réticents face à la nouveauté. En France, bien que le registre soit populaire, il n’est pas officiellement reconnu par les structures nationales et universitaires, il n’est pas entré dans les mentalités (et pour cause, son usage s’est répandu pendant la pandémie de 2020, coïncidence?).

Le roman feelgood existe pourtant depuis des décennies (Les quatre filles du docteur March de Louisa May Alcott est considéré comme un des premiers, datant de 1868), mais son étiquette est récente. Le roman feelgood a longtemps flotté dans les limbes de la littérature blanche, flirté avec la littérature sentimentale, voire la romance, s’est confondu avec le développement personnel ou la comédie. Pourtant, le roman feelgood a une définition particulière (voir cet article) et c’est une bonne chose qu’il ait trouvé sa désignation pour le sortir de ce flou artistique : cela permet aux millions d’amateurs du genre de se repérer avec efficacité. Marketing oblige (oups, la mercatique oblige), les humains sont de grands paresseux, il faut l’admettre. Pour s’adresser au public adéquat, il faut utiliser des étiquettes pratiques et globales.

En ce qui concerne les détracteurs de cette étiquette apparue récemment, armons-nous de patience et de bonne humeur pour les amadouer. À l’usage, on pourra bientôt crier sur les toits I feelgood tabadabadam sans se faire réprimander, mais ça, c’est mon côté optimiste qui le dit.

N’hésitez pas à réagir en commentaire pour dire ce que vous pensez de l’utilisation du mot feelgood !

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Cet article a 2 commentaires

  1. HUG

    Pour moi, ce mot ne me pose pas problème, je pense que ce sont les personnes plus âgées qui ont du mal à s’adapter, peut-être.

    1. LaureEnza28

      Merci pour ce commentaire. C’est une façon de voir les choses, en effet. Les anglicismes sont très fréquents chez les jeunes qui s’adaptent plus vite. Il faut laisser aux mentalités le temps de s’adapter.